LE TEMPS DES LABOUREURS – TRAVAIL, ORDRE SOCIAL ET CROISSANCE EN EUROPE (XIE-XIVE SIECLE)

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Description

Extrait de l’introduction

Quand je considère combien d’accidents et risques de maladies, hasard ou violence, menacent la vie de l’homme d’infinies manières, et combien de choses doivent concourir durant l’année à vouloir que la récolte soit bonne, il n’y a rien dont je m’émerveille plus que de voir un vieil homme, une année fertile.

Dans ces mots, que le Florentin François Guichardin écrivit à son propre usage vers 1530, se lit son désarroi face à la situation italienne après le sac de Rome de 1527, marquée par les assauts successifs de la peste, de la guerre, civile, étrangère ou de religion, et de la famine. Mais, comme souvent chez le grand historien, la phrase va au-delà de l’expérience individuelle, ici celle de l’échec et du découragement. Souvent lue comme un retour au grand pessimisme stoïcien, la maxime parle en effet de volonté et d’émerveillement, et n’incite pas au fatalisme. Elle célèbre le vieillard, vainqueur des menaces qui pèsent sur l’existence humaine, et la belle récolte, fruit de la conjonction des peines communes. Élevé dans les années 1480, médiévales autant que renaissantes, Guichardin résume à sa manière, en quelques lignes, l’expérience de cinq siècles de construction d’un modèle démographique et économique européen. Au-delà de la silhouette du vieillard et du spectacle des moissons, l’aphorisme évoque la possibilité de la croissance démographique et de l’abondance. Au seuil de l’époque moderne, à un moment où la première mondialisation suggère de changer tous les paradigmes d’interprétation du monde contemporain, une phrase suffit à redire ce que les siècles précédents avaient affirmé: l’importance et la valeur du labeur mis en commun. Mais Guichardin s’en émerveille, comme d’un mystère. Les pages qui suivent sont nées du désir d’affronter cette énigme.
À qui réclame un récit, plus conforme à l’usage des historiens qu’un aphorisme, notre histoire pourrait se raconter en trois tableaux, observés à l’échelle de l’ancien continent, plus précis et riches en détails à mesure que le temps s’écoule. Plaçons-nous d’abord par la pensée dans le monde méditerranéen des dernières années du Xe siècle. La chrétienté latine, dominée par la construction impériale ottonienne, est l’une des trois puissances qui se partagent ou se contestent la suprématie sur les territoires de l’ancien empire romain. Elle fait alors la démonstration de sa capacité à se protéger contre les attaques de l’extérieur, qui lui a permis depuis le milieu du Xe siècle de repousser les agressions menées par les Hongrois, les Sarrasins et les Vikings, et elle se trouve dans la situation privilégiée, face à ses rivaux affrontés l’un à l’autre et menacés par les envahisseurs turco-mongols, de n’avoir à redouter que sa propre violence. Pour autant, les contemporains ne lui donneraient sûrement pas la première place face au prestige et à la puissance militaire de l’Empire byzantin ou au rayonnement culturel et artistique du monde arabo-musulman. Le succès brutal des chevaliers francs lors de la première croisade, à la fin du siècle suivant, ne bouleverse pas réellement les données du problème: la suprématie temporaire des uns ne ravale pas les autres au second rang.

Informations complémentaires

Auteur

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Largeur (en mm)

146

Hauteur (en mm)

225

Poids (en grammes)

516

Date de parution

03/10/2012

ISBN: 9782226209092 Catégorie :